Quelques mots sur l'auteur

Gérald BISTON est inspecteur principal honoraire de l’enseignement fondamental à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Membre de notre école de plongée Nérée, il est plongeur 4 étoiles et Guide de palanquée FFESSM. A la CMAS, il est instructeur d’Océanologie depuis 2011 et instructeur en biologie marine depuis 2022.

Il est également co-auteur du Guide pratique de la Plongée en Zélande, véritable bible des plongeurs en Zélande. Il anime régulièrement des rubriques de Faune et Flore sur le site neree.eu et dans L’Hippocampe, la revue trimestrielle de la Lifras.

Dernier article Faune et Flore

Le mérou de Méditerranée (octobre- novembre - décembre 2023)

Lors des dernières vacances de la Toussaint, tous les participants et participantes au stage de mer organisé en commun à L’Estartit par l’Aras et Nérée ont immanquablement côtoyé à plusieurs reprises le poisson emblématique de la réserve naturelle du Parc naturel du Montgrí, des îles Mèdes et du Baix Ter : le mérou de Méditerranée.

La rencontre d’un mérou en plongée ne peut laisser personne indifférent. Les caractéristiques physiques de ce poisson sont impressionnantes : une longueur maximale de 1,50 m, un poids maximal de 100 kg et une espérance de vie de 50 ans !

Depuis la création de la réserve naturelle autour des îles Mèdes en 1983, le mérou bénéficie d’une protection totale et a eu largement le temps de s’acclimater à la présence des plongeurs toujours avides de le rencontrer. Il constitue même un excellent partenaire pour les photographes dont il s’approche quand il est en confiance. La rencontre rapprochée d’un mérou constitue toujours un moment magique très fort.

L’habitat et le mode de vie du mérou de Méditerranée

Le mérou est un animal le plus souvent solitaire. Il vit généralement entre 20 et 200 m de profondeur, près du fond, dans des zones rocheuses accidentées qui lui fournissent les anfractuosités dans lesquelles il aime s’abriter.

Il se nourrit surtout de petits céphalopodes comme les seiches, les poulpes et les calmars, de petits crustacés et de petits poissons. Sur les îles Mèdes, depuis la création de la réserve naturelle, la prolifération des mérous a entraîné une diminution importante des populations de poulpes dont les mérous raffolent

El Guix : une zone parmi d’autres à L’Estartit
propice à la rencontre du mérou

Les frères et les cousins du mérou de Méditerranée

Le nom scientifique du mérou de Méditerranée est Epinephelus marginatus.
Le genre Epinephelus compte près de 100 espèces différentes. C’est dire à quel point le nombre de frères et sœurs de notre mérou de Méditerranée est impressionnant. Pourtant, la plupart des mérous proprement-dits autres que Epinephelus marginatus sont absents ou relativement rares en Méditerranée. Contentons-nous donc d’en observer quatre au passage :

 

Epinephelus fasciatus (mérou oriflamme)
à Taba en Mer Rouge

Epinephelus quoyanus (mérou aux longues ailes)
à Chalong en Mer d’Andaman (Photo de John Pécriaux)

Epinephelus stoliczkae (mérou à épaulette)
à Marsa Alam en Mer Rouge

 

Epinephelus tauvina (mérou loutre)
à Taba en Mer Rouge

Cependant, en plongeant autour des îles Mèdes, trois cousins du mérou de Méditerranée sont rencontrés en grand nombre à chaque plongée. Il s’agit de membres de la famille des serranidés qui ne sont pas des Epinephelus mais qui appartiennent à des genres proches de celui de notre mérou de Méditerranée, les Anthias et les Serranus.

Le barbier aussi appelé anthias (Anthias anthias)

On trouve les barbiers en bancs importants le long des tombants et à proximité des surplombs, des grottes sous-marines et des épaves à partir de 20 mètres de profondeur. Ils ressemblent très fort aux barbiers du Pacifique et de la mer Rouge qui sont des Pseudanthias squamipinnis.

Chaque mâle possède un harem comportant 5 à 10 femelles, au sein duquel règne une hiérarchie bien établie.

Le serran écriture (Serranus scriba)

Le serran écriture se reconnaît facilement à sa robe bigarrée, à son pédoncule caudal jaune et à la large tache bleue ou violette qu’il porte à mi-flanc sur le ventre. Sa longueur habituelle est de 20 à 25 cm.

Le plus souvent, il mène une vie solitaire dans les zones rocheuses mais il fréquente aussi les prairies de posidonies. Le serran écriture chasse à l’affût. Ce carnassier se nourrit d’annélides, de petits crustacés, de céphalopodes et de petits poissons, sur lesquels il fond par surprise grâce à son talent de nageur qui lui assure des démarrages d’une rapidité extrême.

Le serran chevrette

Le serran chevrette a une taille commune de 10 à 25 cm. Une ligne claire longitudinale est située en dessous du milieu du corps. Le reste de la livrée diffère selon l’âge, le sexe, l’habitat et l’état émotionnel du poisson. Entre 5 et 90 m de profondeur, le serran chevrette est très commun sur les fonds rocheux et le coralligène. Il est moins fréquent dans les herbiers de posidonies.

C’est un prédateur vorace qui se nourrit principalement de petits poissons, de céphalopodes, de crustacés et toutes sortes d’autres proies comme des vers.

Le mérou de Méditerranée, un hermaphrodite

L’hermaphrodisme est la caractéristique des organismes qui possèdent à la fois un système reproducteur mâle et un système reproducteur femelle.
Ce sujet de l’hermaphrodisme avant déjà été traité sous le titre « Quand les animaux changent de sexe » dans la Page n° 9 de Faune et Flore de mars 2017 sur notre site neree.eu. Le même sujet avait également été publié par la Lifras sous le même titre dans la revue L’Hippocampe n° 259 de mars 2021. On peut accéder à cette publication en cliquant sur ce lien 

On distingue 3 formes d’hermaphrodisme :

  • un hermaphrodisme simultané lorsque le système reproducteur mâle et le système reproducteur femelle fonctionnent simultanément. C’est le cas entre autres, chez les nudibranches. Dans la même rencontre, chaque partenaire féconde l’autre et est fécondé par lui.
  • Un hermaphrodisme alternatif lorsque le système reproducteur mâle et le système reproducteur femelle fonctionnent en alternance pendant des périodes successives. C’est le cas entre autres, chez les huîtres. Elles alternent le fonctionnement de leurs systèmes reproducteur mâles et femelle jusqu’à 7 ou 8 fois sur une année.
  • Un hermaphrodisme successif quand les deux systèmes reproducteurs ne se développent pas simultanément. On parle d’hermaphrodisme protandre lorsque les organismes sont d’abord mâles pendant une première partie de leur vie avant de devenir femelles plus tard. On parle d’hermaphrodisme protogyne lorsque les organismes sont d’abord femelles avant de devenir mâles plus tard. C’est le cas de notre mérou de Méditerranée.

La vie sexuelle de notre mérou de Méditerranée va donc passer par 3 stades :

  • de 0 à 4 ans, un stade juvénile sans caractère sexuel affirmé ;
  • vers 5 ans, le mérou de Méditerranée développe son système reproducteur femelle. De 5 à 12 ans, il est femelle et pond des œufs au moment de la reproduction.
  • vers 13 ans, on assiste à une nécrose du système reproducteur femelle et au développement en parallèle du système reproducteur mâle. Le mérou qui, au stade précédent, pondait des œufs est maintenant devenu un mâle qui arrose de sa laitance les œufs désormais pondus par les plus jeunes femelles… ce qu’il fera pendant le reste de sa vie.

Ces changements de sexe sont des phénomènes très complexes. Certes, ils sont déclenchés par des facteurs internes comme l’âge et la taille mais ils sont également influencés par des facteurs externes.

Ainsi, chez le mérou de Méditerranée, la proportion de mâles et de femelles sur un territoire donné anticipe ou retarde les moments des changements de sexe. Si, pour l’une ou l’autre raison, une population de mérous venait à manquer de femelles, des juvéniles pourraient devenir femelles plus tôt que la normale ou certaines femelles pourraient retarder leur masculinisation au-delà de 12 ans. Parallèlement, si une population de mérous venait à manquer des mâles, certaines femelles pourraient anticiper leur masculinisation, l’objectif restant le même au travers de ces différentes situation : maximiser les chances de reproduction pour assurer la perpétuation de l’espèce.

La nature est bien faite. Nous avons la chance pendant nos plongées de pouvoir l’observer et l’admirer. C’est un plaisir à ne pas bouder et à consommer sans modération.

Tous les articles précédents

 

  1. L’Estartit 2015 : Un étrange organisme (octobre-novembre 2015)
  2. L’Estartit 2015 : Un autre étrange organisme (décembre-janvier 2016)
  3. Les espèces invasives (Février – mars 2016)
  4. Une espèce invasive de Zélande : le crabe sanguin (Avril et mai 2016)
  5. Deux particularités dans la reproduction des espèces (Juin, juillet et août 2016)
  6. Algue ou plante ? (Septembre et octobre 2016)
  7. Le labre nettoyeur (Novembre et décembre 2016)
  8. L’huître   (Janvier et février 2017)
  9. Quand les animaux changent de sexe !  (Mars et avril 2017)
  10. La sexualité étonnante du poisson-clown (Mai et juin 2017)
  11. Quand un envahisseur est envahi à son tour (Juillet, août et septembre 2017)
  12. Cette mer qu’on appelle « Mer Rouge »(Octobre, novembre et décembre 2017)
  13. La grande barrière de corail (janvier – février et mars 2018)
  14. Les coraux (avril-mai-juin 2018)
  15. Pourquoi l’eau de mer est-elle salée ? (juillet-août-septembre 2018)
  16. Ces animaux qui apparaissent et disparaissent (octobre-novembre-décembre 2018)
  17. Comment des progrès technologiques font avancer nos connaissances (janvier-février-mars 2019)
  18. En route vers l’Estartit – 1° partie (avril-mai-juin 2019)
  19. En route vers l’Estartit – 2° partie (juillet-août-septembre 2019)
  20. Quels noms donner aux organismes que nous rencontrons ? (octobre-novembre-décembre 2019)
  21. Les poissons boivent-ils comme nous? (janvier-février-mars 2020)
  22. Pourrais-je mettre de l’eau de mer dans le bocal de mon poisson rouge? (avril-mai-juin 2020)
  23. Quelles écrevisses reverrons-nous au Barrage de l’eau d’heure (juillet-août-septembre 2020)
  24. A la plage … même quand il y fait mauvais (octobre-novembre-decembre 2020)
  25. Résultats du grand concours Nérée (janvier-février-mars 2021)
  26. Dans le monde subaquatique aussi, l’union fait souvent la force (avril-mai-juin 2021)
  27. Le monde étonnant des tuniciers (juillet-août-septembre 2021)
  28. La carapace des crustacés (octobre-novembre-décembre 2021)
  29. La nature nous étonnera toujours (janvier-février-mars 2022)
  30. Le homard, de la plongée à la table de fête (octobre-novembre-décembre 2022)
  31. Ce que 10 poissons de Todi ne nous diront pas (janvier-février-mars 2023)
  32. Flore et invertébrés de Zélande (avril-mai-juin 2023)
  33. Nérée à la découverte des tuniciers de Zélande (juillet-août-septembre 2023)
Faune et flore 23 mai 2018