Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas. Ecrevisses et homards, tourteaux, crabes et crevettes en tous genres, langoustes et langoustines vont bientôt remplir les étalages des rayons et des magasins spécialisés. Tous ces délices sont des crustacés. Tous les crustacés ne sont pas comestibles ni aussi savoureux mais cela ne va pas nous empêcher de nous intéresser au monde étonnant de ces animaux à carapaces.

Si les tuniciers constituent un embranchement à eux seuls, il n’en va pas de même pour les crustacés qui ne constituent qu’un sous-embranchement de l’embranchement des arthropodes.

Cet embranchement des arthropodes réunit tous les animaux invertébrés présentant des pattes articulées. Les groupes d’arthropodes les plus connus sont

  • les insectes qui comptent 3 paires de pattes articulées ;
  • les arachnides dont les araignées font partie et qui comptent 4 paires de pattes articulées ;
  • les crustacés qui comptent 5 paires de pattes articulées et
  • les myriapodes qui comptent un grand nombre de pattes, toutes articulées.

Tous sont des arthropodes !

Les insectes
avec leurs 3 paires de pattes articulées
(un papillon à la Résidence Incantu en Corse)

Les arachnides
avec leurs 4 paires de pattes articulées
(une tégénaire à Péruwelz)

Les crustacés
avec leurs 5 paires de pattes articulées
(une écrevisse dans la carrière de Dour)

Les myriapodes
avec un grand nombre de pattes articulées
(un mille-pattes à Marathias en Grèce)

Le sous-embranchement des crustacés

Oublions pour l’instant tous les autres arthropodes et restons-en aux seuls crustacés. On en connaît plus de 50.000 espèces différentes. La grande majorité est aquatique et se répartit assez équitablement entre espèces marines et espèces d’eau douce.

De nombreux crustacés, petits ou grands, sont carnivores : ils sont prédateurs actifs et se nourrissent de proies vivantes ou ils sont charognards et se nourrissent alors de cadavres. C’est le cas des crabes, des homards et des crevettes. Parmi les espèces de crustacés peu mobiles ou fixes, on trouve surtout des animaux filtreurs microphages. C’est le cas des balanes que nous évoquerons plus tard. Quelques rares espèces de crustacés seulement se nourrissent de plantes et des fruits. C’est le cas du crabe de cocotier. En revanche, les espèces parasites, externes ou internes d’autres animaux, sont nombreuses parmi les crustacés.

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La taille des crustacés varie de l’échelle millimétrique des petites formes planctoniques du krill antarctique à celle du plus grand arthropode terrestre, le crabe de cocotier (presque 1 m d’envergure, pattes étendues) ou à celle du plus grand arthropode vivant, le crabe-araignée géant du Japon (presque 4 m d’envergure).

Dans la série des records, il faut citer à nouveau le krill antarctique. Bien qu’il soit seulement constitué d’animaux microscopiques, il constitue probablement la plus grosse biomasse animale de la planète estimée à 500 millions de tonnes !

Krill antarctique en suspension © Andrea Izzotti / Thinkstock
(Source : https://www.greanpeace.org/luxembourg/fr/actualites/1614/antarctique-touche-pas-a-mon-krill)

Les crustacés microscopiques échappant à nos observations, nous limiterons nos propos aux crustacés de grande taille visibles et identifiables lors de nos plongées.

L’anatomie interne des crustacés est complexe. Tout comme l’être humain, chaque crustacé contient un système nerveux sensitif et moteur très élaboré et encore mal connu aujourd’hui, un système respiratoire, un système circulatoire, un système reproducteur et un système digestif.

L’aspect général des crustacés… avec beaucoup de cas particuliers !

Le corps de l’écrevisse à taches blanches que nous croisons à chaque plongée au Barrage de l’Eau d’Heure apparaît composé de 3 parties principales :

  • la tête marquée 1 porte la bouche entourée de plusieurs paires de mandibules, les yeux, une paire de grandes antennes et des antennules plus petites ;
  • le thorax marqué 2 porte les pinces et les pattes ambulatoires, celles qui servent à la marche du crustacé ;
  • l’abdomen marqué 3 porte lui aussi plusieurs appendices.

Ce schéma général tête-thorax-abdomen connaît de nombreuses adaptations. Ainsi, chez certaines espèces, la tête et le thorax se sont, au fil des évolutions, réunis en une partie unique qu’on appelle céphalothorax. C’est notamment le cas chez les aselles et chez les gammares fréquents dans la carrière de Dour et au Barrage.

Un aselle (Asellus aquaticus)
à la carrière du Four à chaux d’Elouges à Dour

Un gammare (Gammarus sp)
au Barrage de l’Eau d’Heure

Chez les crabes, la fusion apparente de la tête, du thorax et de l’abdomen est plus importante encore : une carapace unique recouvre tout le corps et ne permet plus d’en distinguer les différentes parties.

Quelques carapaces de crabe

Araignées de mer (Maja brachydactyla)
en aquarium à Etaples en France

 

Crabe royal du Kamchatka (Paralithodes camtschaticus) en aquarium à Blankenberge

Crabe coureur (Grapsus tenuicrustatus)
à Marsa Alam en Mer Rouge

Crabe flèche (Stenorhynchus lanceolatus)
à Lanzarote aux Iles Canaries

Parfois, la modification de toute la carapace ou de l’une ou l’autre de ses parties peut nous révéler des crustacés à l’apparence surprenante :

Quelques crustacés à l’apparence surprenante

Chez cette cigale de mer (Scyllarides latus) photographiée à L’Estartit en Méditerranée, les pattes ne portent plus de pinces et aucune paire de pattes n’est agrandie par rapport aux autres.

Les deux écailles spectaculaires, larges et aplaties en avant de la tête, résultent de la transformation des antennes.

Ce mysis (Praunus flexuosus) photographié à Wemeldinge en Zélande par John Pécriaux ne vit pas sur le fond mais nage généralement en pleine eau.

Cette petite crevette de 2,5 cm de long au maximum a développé la forme allongée qu’on lui connaît aujourd’hui pour acquérir un profil hydrodynamique plus performant.

Les bernard l’ermite possèdent en général un abdomen mou dépourvu de carapace. Pour se protéger, la majorité d’entre eux occupent des coquilles de gastéropode. En fonction de leur croissance, ils changent régulièrement de coquille. Comme de nombreux crustacés, ils possèdent une pince plus grosse et plus puissante que l’autre qui sert d’opercule et permet de refermer la coquille pour se protéger plus efficacement encore dans la coquille.

Le pouce-pied (Pollicipes pollicipes) est un crustacé marin comestible (*) qui vit fixé aux rochers battus par les vagues notamment le long des côtes atlantiques de l’Espagne et du Portugal.

Le pouce-pied est composé d’un pied cylindrique gris foncé et d’une partie élargie triangulaire qui surmonte le pied. Cette partie élargie porte souvent plus de 18 plaques de tailles inégales blanches ou grises, unies entre elles par une membrane lisse brun-vert.

Quand le pouce-pied ouvre ces plaques qui forment sa carapace, il sort ses cirres, robustes et rétractables. Les cirres sont des ensembles de filaments qui proviennent de la transformation de ses pattes et qui lui servent à attraper la nourriture en suspension à proximité de lui.

(*) Ceux-ci ont été photographiés à la poissonnerie du Centre Leclercq de Saint-Amand-les-Eaux.

Les balanes sont des crustacés marins fixés. On en trouve en grand nombre sur les rochers de l’estran, les quais, les coques des navires, sur tous les corps solides en contact quotidien avec l’eau de mer.

La carapace protégeant le corps des balanes s’est transformée en un ensemble de plaques calcaires formant un cône et qui constituent une « muraille ». Au sommet de la muraille, un orifice, susceptible d’être fermé par quatre plaques formant l’opercule, permet à l’animal de communiquer avec le milieu extérieur.

Comme chez les pouces-pieds, les pattes ont été transformées en cirres grâce auxquelles les balanes capturent les particules en suspension dans l’eau et dont elles se nourrissent.

La formation de la carapace des crustacés

Peu importe la forme qu’elle peut prendre, la carapace articulée, par sa seule présence, est un indice majeur pour identifier un crustacé. Outre la protection qu’elle apporte, elle sert de squelette externe. Mais comment la carapace se fabrique-t-elle ?

La peau des crustacés est riche en glandes secrétant une molécule de la famille des glucides, la chitine. Cette chitine est un matériau résistant et souple mais qui durcit en présence du carbonate de calcium dissous dans l’eau de mer. La carapace du crustacé va donc se rigidifier sauf en certaines zones qui demeurent souples, permettent l’articulation des différentes parties du corps ainsi que des appendices et autorisent les mouvements. Mais, une fois rigidifiée, la carapace n’est plus extensible alors que le jeune crustacé grandit régulièrement pendant sa croissance. Il faut donc que les crustacés muent un nombre indéfini de fois.

Ainsi, un homard sort de son œuf sous la forme d’une larve qui est planctonique, entraînée par les courants. Cette larve subit généralement trois mues pendant lesquelles elle grossit mais ne change pas fondamentalement de forme, ni de comportement. Le homard subit ensuite une mue de métamorphose qui va la modifier nettement et s’accompagner d’un changement de mode de vie puisqu’il rejoint le fond des océans et vit dorénavant, benthique, sur le fond. À ce moment-là, l’animal est un tout petit homard appelé juvénile. Il devra encore effectuer plusieurs mues de croissance avant de devenir un adulte capable de se reproduire et il pourra encore subir plusieurs mues après avoir atteint sa maturité sexuelle.

Chaque mue constitue pour chaque crustacé une période particulièrement dangereuse. En effet, il commence par décoller son épiderme de sa carapace puis secrète un liquide de mue qui contient des enzymes qui ont pour effet de digérer les couches les plus internes et les moins dures de la carapace. Le décollement de la carapace est souvent suivi de modifications de l’épiderme qui lui permettent de se développer avant l’élaboration de la nouvelle carapace. Le moment venu, le crustacé gonfle son corps au maximum en avalant de l’eau ou de l’air selon qu’il mène une vie aquatique ou terrestre et il effectue des mouvements rythmiques précis. La vieille carapace se déchire selon des lignes de déhiscence, c’est-à-dire des lignes de moindre résistance qui ont été presque complètement digérées par le liquide de mue. Les mouvements de l’animal lui permettent de s’extraire de sa vieille carapace et d’étendre la nouvelle au maximum.

Dans la courte vidéo ci-dessous, vous découvrirez un homard qui se dégage de son ancienne carapace devenue trop petite pour lui.

La nouvelle carapace devra encore se rigidifier par absorption du carbonate de calcium dissous dans l’eau avant que le crustacé puisse reprendre une vie (et une alimentation) normale bien abrité dans sa carapace, protégé de ses propres prédateurs.

Carapaces abandonnées par des crabes verts
lors de leurs mues successives.

A vous d’observer maintenant

Lors de votre prochaine plongée en eau douce quand vous apercevrez une écrevisse, un aselle ou un gammare, ou lors de votre prochaine plongée en mer quand vous apercevrez un crabe ou un homard, arrêtez-vous et observez attentivement les détails de la carapace et les appendices qui l’ornent. Plus vous observerez et plus vous vous émerveillerez. Peut-être parviendrez-vous à compter les mandibules et autres appendices autour de la bouche d’un crabe ou d’une écrevisse ? Chaque carapace de chaque crustacé que vous rencontrerez en plongée vaut bien que vous y réserviez l’attention qu’elle mérite. Les dernières photos d’écrevisses à taches blanches devraient vous en convaincre.

Je vous souhaite de belles plongées dans cette perspective.

Grossissement d’un œil sur son pédoncule

Mandibules et autres appendices buccaux
(Face ventrale de l’écrevisse)