Aucun organisme ne vit vraiment seul : chacun est en permanence associé plus ou moins étroitement à de nombreux autres organismes.
Leurs interactions peuvent être classées en fonction
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- de leur mode d’association : les organismes s’associent-ils pour se nourrir ensemble ? Pour se déplacer ensemble ? Pour se protéger mutuellement ?
- de la durée de ces interactions : Restent-ils associés durant toute leur vie ou seulement à des moments particuliers ?
- et du caractère bénéfique ou non de ces associations pour l’un et l’autre des partenaires.
Quand deux organismes s’associent, toutes les situations intermédiaires existent, formant un véritable continuum, mais trois situations sont particulièrement représentatives :
Les termes symbiose, mutualisme, parasitisme et commensalisme ne sont pas toujours aussi clairs. Ainsi, les auteurs anglo-saxons définissent la symbiose comme toute interaction entre deux organismes d’espèces différentes. Selon ces auteurs, la symbiose comprendrait le mutualisme, le commensalisme et le parasitisme. Même au sein des auteurs francophones, le mot symbiose est utilisé tantôt dans le sens large de toute coexistence intime entre organismes d’espèces différentes, tantôt dans un sens restreint indiquant que la coexistence est bénéfique aux deux partenaires, symbiose est alors utilisé dans le sens de mutualisme. Si l’on pense également que les symbioses ne sont pas limitées à l’alimentation mais peuvent également concerner les façons de se déplacer et de s’abriter, on devine la complexité de la question. Nous n’entrerons pas dans ces discussions et nous nous en tiendrons aux définitions du cadre ci-dessus, toute critiquables qu’elles soient.
Laissons provisoirement le parasitisme de côté et concentrons-nous sur le commensalisme d’une part, sur le mutualisme et la symbiose au sens strict d’autre part, sur ces situations où, dans le monde animal, l’union fait aussi la force.
Il y a donc commensalisme quand deux organismes s’associent et que l’un d’entre eux profite seul de cette association qui est neutre pour l’autre partenaire, ne lui apportant aucun bénéfice particulier mais ne lui coûtant rien non plus.
Ce concept de commensalisme a été théorisé par Pierre-Joseph van Beneden durant la seconde moitié du 19° siècle. Le zoologiste belge recense ainsi, dans son ouvrage « Les commensaux et les parasites dans le règne animal » publié en 1875, 264 exemples d’associations qu’il classe au sein du commensalisme.
Deux exemples de commensalisme :
La raie manta et les carangues royales
En se positionnant sous la raie manta, les carangues royales économisent leur énergie car elles sont aspirées par le déplacement de la raie sans que celle-ci n’ait d’effort supplémentaire à fournir.
De plus, les carangues ont la possibilité de récupérer les restes de nourriture négligés par la raie.
Les carangues profitent donc de leur raie-hôte tant pour se nourrir que pour se déplacer plus facilement mais ceci ne coûte rien à la raie.
Les balanes sur les crabes
Les balanes sont de petits crustacés qui, au stade adulte, vivent fixés sur un support. On en trouve quasiment sur toutes les infrastructures immergées des ports comme sur la première photo ci-contre.
On peut trouver régulièrement des balanes chez soi sur les coquilles de moules achetées dans le commerce.
Les balanes les plus chanceuses se fixent sur une coque de navire, sur la peau d’une baleine, sur une coquille de mollusque ou, comme sur la photo ci-contre, sur la carapace d’un crabe ou d’un autre crustacé.
De cette manière, les déplacements de leurs supports les amènent dans de nouveaux espaces où se nourrir. Ce ne sont pas les quelques grammes de balanes à porter qui épuiseront le crabe, le homard… ou la baleine.
De plus, les balanes auront la possibilité de récupérer les restes de nourriture négligés par leur hôte.
Les balanes, comme les carangues, profitent donc de leurs hôtes tant pour se nourrir que pour se déplacer plus facilement sans que ceci ne coûte rien aux hôtes ni ne leur rapporte rien non plus. Elles pratiquent le commensalisme.
La symbiose est une association entre deux espèces, parfois plus, dans laquelle les partenaires sont tous bénéficiaires. Certaines associations deviennent même obligatoires car chacun des partenaires éprouverait d’énormes difficultés à survivre en l’absence de l’autre.
Dans certains cas, comme pour le requin et ses poissons-pilotes, la symbiose se résume à un échange de service : le requin transporte les poissons-pilotes qui s’arriment à lui et leur abandonne les restes de son repas tandis que les poissons-pilotes déparasitent la peau du requin. Dans d’autres cas, la symbiose va jusqu’à l’échange de molécules nutritives à l’intérieur même des tissus de l’hôte. Nous allons le voir à propos des coraux ou de certains mollusques et de leurs algues symbiotiques.
Certains auteurs réservent l’appellation de symbiose au sens strict quand il y a échange de molécules à l’intérieur même des tissus de l’hôte et parlent de mutualisme quand il y a seulement échange de services entre les partenaires. Notre tableau initial des collaborations entre espèces deviendrait donc
Voyons d’abord quatre exemples de mutualisme par échange de services :
Le requin et ses poissons-pilotes
Les rémoras, souvent appelés poissons-pilotes, ne guident pas les requins comme on le pensait autrefois. Ils profitent surtout de l’onde de proue créée par la nage de leurs grands voisins. Mieux adaptés encore que les carangues royales sous la raie manta, les rémoras se fixent par une ventouse à la peau du requin et sont ainsi transportés par leur hôte dont ils récupèrent aussi les restes de nourriture.
Mais le requin est également bénéficiaire de la présence des rémoras qui complètent leur alimentation en lui déparasitant la peau et en le préservant en conséquence de diverses infections ! Rémoras et requins sont donc tous les deux gagnants à leur collaboration.
Le bernard l’ermite et son anémone de mer
Le bernard l’ermite est un crustacé dépourvu de carapace sur l’abdomen. Pour se protéger de ses prédateurs, il s’abrite dans une coquille vide de gastéropode qu’il ne quitte que quand sa propre croissance l’oblige à déménager vers une coquille plus grande.
L’anémone de mer est bénéficiaire de cette collaboration : le bernard-l’ermite la déplace vers de nouvelles sources de nourriture et elle peut à l’occasion récupérer avec ses tentacules les restes du repas du son hôte. De son côté, le bernard l’ermite profite de la protection de l’anémone : ses tentacules fonctionnent comme des filaments urticants comme chez les méduses. Certains prédateurs sont donc moins enclins à attaquer.
Cette association est tellement bénéfique pour chaque partenaire que, lorsque le bernard l’ermite change de coquille, il se saisit de l’anémone pour l’installer sur sa nouvelle coquille ! Peut-être en appliquant l’adage selon lequel deux protections valent mieux qu’une, le bernard l’ermite ci-contre, photographié à L’Estartit, n’a pas hésité à s’associer à deux anémones de mer. Merci à mon binôme Pierre de m’avoir fait remarquer cet équipage complexe lors de notre plongée.
Les labres nettoyeurs et les « clients » de leurs « stations de lavage »
Nous nous étions déjà intéressés au labre nettoyeur dans la Page 7 de Faune et Flore de notre site neree.eu en novembre 2016.
Certaines zones du corps des poissons sont dépourvues de protection contre les parasites : les écailles, les branchies, la bouche, les nageoires et les espaces entre les écailles. Certains petits crustacés en profitent et parasitent alors leur hôte qui ne peut rien contre eux. Le labre nettoyeur va constituer une aubaine pour l’ensemble des poissons du récif car il va les débarrasser de leurs parasites et de leurs vieilles peaux..
Pourvu de couleurs lumineuses, le labre nettoyeur va attirer le regard des poissons parasités par une nage sautillante qui contraste avec la nage habituelle des autres poissons. Il va ainsi les attirer dans de véritables stations de nettoyage où ils pourront se faire déparasiter.
Labre nettoyeur à la recherche d’un « client »
Labre déparasitant un mérou
Labre déparasitant une murène
Cette association n’a que des gagnants : les labres nettoyeurs trouvent dans les parasites qu’ils dévorent la source de protéines dont ils ont besoin et les clients de la station de nettoyage repartent déparasités !
Les crevettes nettoyeuses
Certaines crevettes pratiquent le nettoyage des poissons avec lesquels elles cohabitent dans des anfractuosités rocheuses.
Comme les labres déparasitent les mérous et les murènes dans leurs stations de nettoyage, de même les crevettes nettoyeuses déparasitent la peau et même l’intérieur de la bouche des congres et des murènes… mais en restant tous bien protégés dans les anfractuosités occupées en cohabitation.
Les murènes et les congres profitent de cette cohabitation en se faisant déparasiter, les crevettes nettoyeuses trouvent leur nourriture à portée de mandibules sans quitter la double protection de l’anfractuosité et de leurs impressionnants colocataires !
Une crevette nettoyeuse d’Amboine (Lysmata amboinensis)
Une grande crevette nettoyeuse (Stenopus hispidus)
Photo de Frédéric De Smet
Voyons maintenant deux exemples de symbiose au sens strict par échange de matières nutritives au sein même des cellules des organismes
Les bénitiers et leurs zooxanthelles
Les bénitiers (Tridacna sp.) sont des mollusques bivalves des récifs coralliens. Ils peuvent dépasser 40 cm de longueur et présentent de jolies couleurs vives.
Ces couleurs sont dues à la présence, dans les tissus du mollusques, d’algues symbiotiques appelées zooxanthelles.
Ces algues trouvent dans le mollusque une protection contre les mangeurs de plancton qui s’en délecteraient si elles leur étaient accessibles. Comme tous les végétaux chlorophylliens, les zooxanthelles produisent des sucres qui se diffusent à l’intérieur des tissus du bénitier et contribuent à son alimentation.
Bénitiers et zooxanthelles se trouvent ainsi tous deux gagnants, les uns gagnant en apport de nourriture et les autres en sécurisation contre leurs prédateurs.
Les zooxanthelles et certains cnidaires
Les zooxanthelles sont également présentes à l’intérieur des tissus de nombreux cnidaires et contribuent à leur coloration spécifique.
Ainsi, l’anémone de la mer Rouge et de l’Indopacifique (Heteractis magnifica, photo de gauche) et l’aiptasie verte (Aiptasia mutabilis, photo de droite) de Méditerranée doivent leur coloration aux zooxanthelles qu’elles hébergent dans leurs tissus.
Les zooxanthelles trouvent dans le cnidaire une protection contre les prédateurs qui s’en délecteraient si elles leur étaient accessibles. Comme tous les végétaux chlorophylliens, les zooxanthelles produisent des sucres qui se diffusent à l’intérieur des tissus du cnidaires et contribuent à son alimentation. Bénitiers et cnidaires se trouvent aussi tous deux gagnants.
L’absence de coraux symbiotiques dans les plus grandes profondeurs s’explique par l’absence d’une luminosité suffisante pour le développement des algues qui requièrent impérativement une quantité suffisante de lumière pour développer leur fonction chlorophyllienne.
A l’exception des balanes sur la carapace du crabe sanguin photographiées en Zélande, les autres illustrations proviennent toutes de Méditerranée et de Mer Rouge. Les phénomènes de commensalisme, de mutualisme et de symbiose au sens strict sont pourtant bien présents dans nos eaux habituelles tant marines que douces. A vous maintenant d’en repérer des exemples lors de vos prochaines plongées !
Les informations contenues dans cette Page ont été inspirées par entre autres
https://fr.wikipedia.org/wiki/Symbiose ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Parasitisme et
http://lasymbiose.free.fr/html/acceuil.html.